Sunny with a chance of morning mist (Fr) - Alexis Rastel
Chaque aube ou chaque crépuscule de Sunny with a chance of morning mist suggère que l’on aurait affaire non pas à une révélation soudaine et définitive, mais plutôt à un processus graduel, amenant une perception initiale encore non consciente. Une telle opération de reconnaissance en appellerait moins à l’établissement irréfutable d’une vérité transcendante,
qu’au mouvement progressif par lequel une nouvelle possibilité interprétative devient non seulement hautement plausible, mais également – et tout simplement – productive.
Emmanuelle Leblanc ouvre donc de nouvelles possibilités de faire prise sur notre environnement en jouant avec les sens. Le souvenir de ses peintures constitue une image mouvante et mourante qui manifeste une présence éphémère, aussitôt passée, trépassée, consentant à l’illusion et à l’hallucination, à l’apparition et à l’évasion. Les couleurs s’arrêtent
puis fuient, se donnent toutes entières, généreuses, puis se volatilisent. Elles doublent la vie et touchent la mort.
Ce que nous voyons, plutôt que ce que nous ressentons, c’est la présence de l’absence où les œuvres d’Emmanuelle Leblanc littéralement apparaissent. Elles surgissent des espaces comme dans l’élément de l’éclat. Leurs lueurs ne sont pourtant pas des qualités stables : elles dépendent de la marche du spectateur et de sa rencontre avec une orientation lumineuse
toujours singulière, toujours inattendue. Des lointains qui s’approchent au gré de nos pas, sans qu’on en puisse prévoir la tactile rencontre. Quelque chose comme un souffle, une qualité d’aura. Ces phénomènes ne se représentent pas mais, ils se présentent en accédant à l’autorité, toujours bouleversante, d’un événement, d’une apparition. Emmanuelle Leblanc se
demande comment inventer une visualité qui s’adresserait, non pas à la curiosité et au plaisir du visible mais, à la passion de son imminence. Comment nous donner le support visuel d’un désir de voir l’absence ?
L’exposition Sunny with a chance of morning mist nous permet d’accéder un moment au rêve lucide. Les œuvres d’Emmanuelle Leblanc soulèvent un mécanisme visuel et sensoriel, sorte de décollement de la rétine provoquant une persistance d’un état réflexif bien longtemps après la disparition de sa cause.